Les 3 difficultés du thérapeute

 - Clément votre travail, ça ne doit pas être simple tous les jours ! 

- Oh vous trouvez ? J’aime ce que je fais, les gens qui viennent me voir sont toujours sympas et interessants, je trouve au contraire que j’ai de la chance !

- Mais vous entendez tous nos problèmes à longueur de journée, à la fin vous devez en avoir marre ?
- Qui n’a pas de problèmes dans ce monde ? Comme dit un de mes mentors : « si vous êtes humains et que vous êtes sur terre ! Vous avez un problème ! ».
- Ah ça me rassure 🙂
- Ce ne sont pas les problèmes le problème ! Beaucoup de gens ont eu des vies compliquées et se sont toujours reconstruits. J’ai effectivement 3 grandes difficultés dans mon travail, pour lesquelles je n’ai d’ailleurs pas encore trouvé de solutions, ce qui est frustrant pour moi !
- Lesquelles ?
- Celles qui mettent en échec ma pratique mais aussi tous les soins au final ! Je pense d’ailleurs que c’est commun à chaque thérapeute. Ce sont 3 difficultés, qui maintiennent le déséquilibre, qui empêchent de résoudre le problème !
- Je suis curieuse !
- La numéro 1, c’est le confort et le goût de l’effort. Ce sont des poisons selon moi. On peut y mettre de nombreuses choses dans cette catégorie, comme la sédentarité ou choisir la TV plutôt que lire. La plupart des gens savent, spontanément ce qui est bon pour eux ou mauvais. Même si, ça ne réglerait pas forcément leur problème, ils savent que ça éviterait que cela l’empire. Qui aujourd’hui ne sait pas que fumer est mauvais pour la santé ? Je ne comprends toujours pas pourquoi, les gens fument autant ! Surtout que lorsque je demande dans le bilan, ils sont gênés de me répondre ! S’ils sont gênés, c’est qu’ils savent qu’ils ne devraient pas ! Si encore, ils assumaient pleinement, « j’aime ça et je maîtrise », ça ne serait pas un problème, façon Churchill quand on lui demande : comment il garde la forme en buvant, fumant et mangeant mal ? Et, qu’il répond avec fierté : No sports ! Il est aligné ! Dans ce cas là, ce n’est pas un problème ! Ça devient un problème, dès que les gens savent qu’ils ne devraient pas, et pourtant ils ne changent pas ! Vous savez que vous avez un surpoids, mais au supermarché plutôt que de prendre les marches vous prenez l’escalator ! Vous savez que vous ne devriez pas faire d’écran pour vos insomnies avant de dormir, mais vous continuez. Vous savez que pour vos difficultés respiratoires il faudrait arrêter de fumer, mais ils ne font rien. C’est très frustrant pour le thérapeute, car je n’ai même pas à apporter de connaissances, les gens savent déjà ! Pourtant ils ne font rien, c’est comme un suicide à petite dose. C’est pour ça aussi que j’ai voulu mettre en place les cures. Mais même pendant ces séjours, qui sont « cadrés », on sait très bien que certains vont à la boulangerie pendant leurs temps libre, alors qu’on veut faire une petite detox des mauvais sucres ! Ou continue de prendre l’ascenseur plutôt que les marches, alors que l’on prône le mouvement ! On connaît tous le mode d’emploi de l’être humain : bien manger, bien respirer, bien bouger, bien dormir, bien penser ! Les fast food sont toujours pleins, les centres de méditations sont vides, et les audiences de BFM explose toujours alors que tout le monde dit que c’est anxiogène ! Tout le monde dit que la prévention c’est mieux, tout ceux qui viennent me voir me disent quand je leur demande s’ils connaissent la médecine chinoise que c’est selon eux une médecine de prévention, et pourtant je n’ai pas 1% des gens qui viennent me voir pour ce motif ! C’est frustrant ! Et difficile, car la solution est connue ! Je n’ai rien à apporter comme savoir ! Dans cette continuité, on retrouvera une autre nuance, connu de la médecine moderne aussi, c'est ce que l'on appelle : l'observance. Le problème est connu, il y a un diagnostic, le médecin donne un traitement, et pourtant, ils ne le prennent pas, ou alors le prennent mal. C'est la même chose avec les conseils que l'on peut donner en séance, on vient alors nous dire que ça ne fonctionne pas ! Mais, les gens ont-ils vraiment fait le job ? Ont-ils vraiment compris le problème ? Et si oui ? Ont-ils vraiment mit en place des actions concrètes pour changer ? Et parfois, les gens savent et ne font pas ! Ce qui m’amène à l’autre difficulté !




- Numéro 2 : trouver les leviers de la motivation ! Je parlais tout à l’heure du confort qui est systématiquement choisi par rapport à l’effort, même si on sait que celui si nous est toxique ! Dans le cas 1, le praticien ne peut que répéter ce que tout le monde sait. Ici, ce n’est qu’après une analyse, parfois longue, des heures d’écoutes, de techniques pour arriver à identifier la source du mal être. Car parfois, les gens ont tellement honte de l'origine de leur mal-être, qu'ils mentent !
- Pourquoi mentir à son thérapeute ?
- Par peur du jugement tout simplement, car eux-même ce jugent déjà durement pour cela. On retrouve facilement ces comportements chez les personnes souffrant d'addictions, mais aussi chez les victimes d'agressions.
- S'ils sont victimes, pourquoi avoir honte ?
- Car elles pensent, qu'elles n'ont pas étés capables de se défendre, qu'elles sont nulles, ou parfois pire qu'elles ont provoqués ce qui est arrivé, que d'une certaine manière elles le méritent. Il faut alors déjà casser tout cela, mettre en confiance, montrer qu'il n'y a aucun jugement pour que la personne se libère de son mal-être et se confie ! C’est alors un sentiment de victoire, qui semble partagé, pourtant la séance suivante on apprend que la personne n’a rien adapté, n’a rien changé. On prend conscience de la terrible réalité de la remarque de Thomas Dassembourg : « on préfère un malheur connu qu’un bonheur inconnu ! » C’est terrible de ne pas trouver les mots, les forces, pour permettre à la personne de se délivrer de son mal être.
De les voir sombrer, de les écouter inlassablement de séances en séances se plaindre du même problème et se sentir impuissant. Alors, on trouve des phrases toutes faites pour se consoler : « c’est leur chemin de vie », « ils doivent passer par là… », mais au fond, ça laisse une sensation d’échecs.
- J’ai du mal à imaginer ! Que l’on puisse délibérément voir quelqu’un pour nous aider à trouver l’origine d’un problème et quand on le trouve, on ne change pas !
- Heureusement, ce n’est pas tout le monde. Mais quand cela arrive, on se sent démuni ! D’ailleurs ce sont souvent des gens qui ont déjà vus milles praticiens, dans le fond ils ne sont pas prêt à changer, parfois ils ont même un intérêt caché, comme le confort, la facilité ou simplement que l’on s’intéresse à eux !
- Comment expliquer cela ?
- J’ai identifié ce que j’appelle des poisons, qui par mon expérience permettent d’expliquer certains de ces comportements. C’est le poison passé, présent et futur !
- C’est quoi ?
- Le premier poison passé : c’est la culpabilité ! Si la personne a un soupçon de culpabilité pour quelque chose qu’elle aurait fait ou pas fait, j’ai déjà observé que dans ces cas là que tous les traitements étaient en échecs. Tant qu’il y a ce sentiment, c’est comme-ci la personne se faisait justice, et se punissait ! Il faut dans ce cas déjà enlever tout sentiment de culpabilité.
- C’est terrible ! Bon pour moi, je pense que ça va ! Ouf ! Je suis curieuse de connaître la suite !
- Le poison présent : j’ai déjà observé que l’estime de soi, pouvait aussi beaucoup jouer dans l’inertie du changement. On retrouve cela facilement chez les personnes victimes d’agressions, c’est terrible aussi ! Une personne, qui aurait subit une agression, et qui par conclusion déduit qu’elle est une personne faible. Tant qu’elle se considérera comme faible, elle va attirer tous les bourreaux de la terre. Il faut arriver à l’aider à enlever l’étiquette de victime ! Mais ce n’est pas simple. Parfois, on pense y être arrivé, comme lorsqu’on a accompagné une femme qui se faisait battre par son mari, où elle arrive enfin à le quitter ! Bien souvent, il y a toute une équipe de thérapeutes avec elle, et pourtant, quand elle va retrouver un nouveau gars ! Elle retombera dans le même schéma, avec à nouveau des violences. C’est fou ! Ce sont de vrais aimants à situations toxiques !
- Ah oui, je connais une amie dans ce cas là !
- C’est ce que j’appelle le poison du présent, et le dernier poison, le poison futur, qui sera intriqué avec la troisième difficultés ! C’est ni plus ni moins la peur ! L’inconnu fait peur, on préfère souvent rester dans une situation inconfortable, même douloureuse plutôt que surmonter une peur. Vous allez aussi retrouver des personnes dans des sur-projections, ils ont des excuses pour tout, il trouve un nouveau problème à chacune de vos solutions pour justifier leurs inactions. En vrai, ils ne savent pas ! Ce n’est que de l’imagination, ce que le monde du coaching appelle croyance limitante. Vous retrouvez souvent ce poison chez des personnes très intelligentes. Et comme l’être humain aime la cohérence, ils ont toujours une bonne excuse et un bon prétexte pour rejeter la faute, garder une position de victime et ne pas changer. Il se conforte alors dans l’idée qu’il n’y a aucune issu possible. La souffrance est donc inévitable, pour autant elle n’est pas acceptée, puisqu’ils viennent me voir. Alors c’est le monde qui est pourri et injuste ! Ils attendent juste de moi de souffrir un peu moins le temps d’un instant. Ce qui m’amène à la troisième difficulté de mon métier !




- Troisième difficulté ! Garder la foi !
- La foi ?
- Oui, certaines journées sont parfois plus difficiles. Vous entendez toutes les souffrances, la perte d’un enfant, une agression sordide, des injustices. Je crois que ce qui me fut le plus difficile à accompagner c’est le deuil d’un enfant. Vous ne trouvez aucun mot, cela paraît être contre l’ordre des choses, contre nature ! Et, quand on pratique une philosophie qui s’inspire de la nature pour tenter d’expliquer ce monde, on se sent bien démuni. Pourtant c’est arrivé ! C’est là ! Et il faut bien avancer. La mort à une fin, la vie continue. Il faut garder alors la foi, pour ne pas tomber dans le poison du futur. Il pourrait être tentant après une journée difficile de se dire que ce monde est injuste et souffrance. À quoi bon continuer vivre ? Pourquoi ne pas tout arrêter et partir vivre sur une île déserte !
- Comment vous faites pour ne pas partir sur cette île ?
- Il faut de la spiritualité, c’est une des vertus du médecin chinois, c’est la confiance. La confiance au tao, qui régit l’ordre et l’harmonie universelle. Si on arrive à se dissocier du jugement avec le bien et le mal, ce qui n’est pas évident ! Et que l’on transforme ces notions judéo-chrétienne par la notion d’expérience, on peut alors arriver à citer Nietzsche : « ce qui ne te tue pas, te rend plus fort ». Il faut ensuite trouver un moyen pour que cette souffrance, cette blessure indélébile dans le cœur de la personne soit utilisé comme un carburant, pour se battre et se lever contre les injustices. Nombres d’êtres humains sont célèbres pour leurs inventions, leurs créations artistiques, leurs actions car ils avaient un tel carburant ! Et pour arriver à faire cette transformation de la blessure en une force, il faut une foi inébranlable en la vie ! Au tao ! Que tout arrive pour une raison, au juste moment. Il ne tient qu’à nous de trouver cette raison. On ne maîtrise pas ce qui nous arrive, mais on maîtrise l’attitude que l’on a face à cet événement ! Je me bats ? Je la transforme ou je souffre ? C’est la seule question, puisque je ne peux pas changer le passé, ce qui est arrivé est arrivé. C’est ainsi ! Alors maintenant ? Concrètement ? On fait quoi ? On a que ce choix, c’est le seul choix qu’il me reste, qu’est ce que je fais de ce qui est arrivé ? Qui vous voulez être ? Et chaque instant ! Chaque souffle, vous mourrez et renaissez ! À chaque inspiration, c’est une renaissance, vous pouvez choisir de changer ! D’être une nouvelle personne. Et tant que vous respirez cette règle reste immuable ! Rien ne peut l’altérer ! Pour arriver à garder ce discours, il faut une foi inébranlable, et pour arriver à transmettre cette foi, il faut trouver les mots pour remettre de l’amour là où il y a eu de la souffrance. C’est ma troisième difficulté.
- Comment vous faites pour garder la foi ?
- Je doute parfois, je pleure et je crie aussi. Il faut des moments de pauses, regarder la nature. Trouver du réconfort dans le chant d’un oiseau, le reflet du soleil sur les vagues, une caresse du vent sur la peau. La nature nous rappelle que la vie est un cycle éternel, de transformation en transformation, elle s’équilibre sans cesse. C’est la version poétique, mais en réalité, c’est souvent pendant le trajet du retour du travail avec de la musique que j’arrive à faire cet exercice d’évacuation des pensées négatives. C’est une difficulté, mais c’est aussi ce qu’il y a de plus beau dans ce métier. Qui a dit que la vie ne devrait être que joie et bonheur ? C’est impossible, si cela venait à arriver nous tuerions la joie et le bonheur. Nous pouvons être heureux que parce qu’il y a du malheur, je ne peux aimer la vie que parce qu’elle a une fin ! Je n’aime l’été, que parce qu’il y a l’hiver. C’est le Yin et le Yang. C’est une loi universelle, je dois la comprendre et l’accepter au même titre que j’accepte la gravité et que si je lâche un objet il tombera. Cette loi est parfaite, c’est un médicament et je l’aime pour ça. C’est l’objet de mon métier, mettre de l’amour là où il y a eu de la souffrance. Rééquilibrer le yin et le yang.
- C’est en effet un beau métier !

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Ceci n'est pas une dépression !

La médecine chinoise est-elle vraiment une médecine de prévention ?