Rivage, clivage

 Je me suis posé là quelques instants avec mon fiston.

J’ai observé, j’ai écouté, d’abord le chant des vagues de la marée montante, puis petit à petit la musique de la mer devient norme, laissant les conversations des promeneurs prendre le dessus. 

Des bribes d’échanges d’amis, de famille, de couple. Et un mot ressort de ces instants de vie : clivage ! 

Je crois en effet qu’il n’y a pas un sujet qui ne soit pas clivant aujourd’hui. Il n’y a plus de dialogue, plus de consensus, uniquement des prises de positions ferment et radicales, qui impliquent que lorsqu’on l’a prise on devient fatalement hostile à ceux qui n’auraient pas la même que nous. 

C’est bien dans tous les domaines que nous retrouvons cette violence. 

Des dictatures de l’esprit se mettent en place, sous couvert du « bien ». Car, chacun légitime ces actes, ces mots, ces prises de positions, avec l’intime conviction qu’il a raison et qu’il se bat pour le bien. 

Les arguments d’autorités font donc légion. Fermant la porte à tout échange constructif. Que ce soit en politique ? Les pro-untels contre les défenseurs d’untels. Ils dénoncent tous violences, injustices et crimes de guerre ! Et comment ils les dénoncent ? Par les mêmes actes que leur opposant : à savoir avec violence, injustice et guerre. 

Une catastrophe intellectuelle, mais vous allez me dire que ça a toujours été ! 

Certes avec la politique, les religions aussi, mais maintenant c’est tous les sujets qui sont motifs à diviser. 

La santé, l’écologie, l’alimentation, le sport, la science, la musique, la sexualité et même l’identité… 

Je vous mets au défi de me trouver un sujet qui fait consensus aujourd’hui ! Même le fait que notre planète soit ronde ne fait plus l’unanimité. 

Nous évoluons dans un monde de dogme où le bon sens s’est effacé, car tout simplement ce n’est pas prouvé et fact-checké. 

Le bon sens c’est effacé face à la bienveillance, maître mot de notre époque qui n’a pourtant de mon existence jamais été aussi violente. 

Car sous couvert de l’absence de bienveillance de l’autre, sous entendait plutôt de non adhésion à notre vision, on peut alors justifier toute forme de violence. Paradoxe ! 

Le flot incessant des vagues ramène avec lui mes vieux souvenirs cinéphiles et je pense à la ligne rouge de Terrence Malik. 

Ce film sur un jeune soldat refusant de croire en pleine Seconde Guerre mondiale qu’il n’y a que de l’horreur dans l’humanité, déserte et rencontre une tribu mélanésienne préservée du chaos environnant. 

Voici ce que disent les critiques de ce film à l’époque et qui résument parfaitement l’ambiance du moment : « ce film est une méditation poétique et philosophique sur la guerre, la violence, le lien entre l’homme et la nature, plus que sur une intrigue ou un personnage central. Le contraste est marqué entre la sauvagerie des combats et la béatitude d’un Eden perdu, incarnant l’absurdité et la tragédie humaine ». 

L’envie de déserter est en effet spontanément la première idée qui vient à l’esprit. J’imagine qu’au Bouthan, par exemple, de nombreux débats s’évanouissent par simple bon sens, mieux encore le lien préservé avec la nature annihile sûrement la plupart des débats. 

Mais ce que nous apprend le film de Terrence Malik, c’est que notre destin nous rattrape toujours, si je devais vivre dans une tribu perché sur le sommet de l’Himalaya, je ne serais pas né en France. 

Qu’ai-je alors à offrir au monde en opposition ? Un nouveau combat contre ceux qui veulent déjà que du combat ? Vraiment ? Tomber finalement dans le même schéma dénoncé, c’est ça mon idée ? Stupide. 

Je cherche finalement une solution avec ce fameux bon sens… mais j’avoue rester coincé. 

Quand soudain… 

Une énième personne s’arrête pour saluer mon fils, le complimenter et lui faire une grimace pour avoir la chance de capter un de ces nombreux sourires. 

C’est alors que je me souviens de mes lectures, notamment de notre cher Spinoza et son concept de joie partagée et de justice. 

Car mon petit gars, il sourit à tout le monde qui le regarde qu’il soit blanc, noir, jaune, petit, grand, gros, anorexique, femme, homme, autre, jeune, vieux, raciste, baba cool, pro vax, lithothérapeute, pro LFI, pro RN, juif, arabe, fan de Jul ou de Johnny, vegan, carnivore… la liste est sans fin. 

Son attractivité réside dans son éveil et son sourire contagieux. Quiconque le croise et le regarde s’arrête dans ses activités pour partager cette joie commune. 

Spinoza nous encourage à faire le choix du bien commun où chaque individu peut augmenter sa propre joie. 

Car il y a bien un truc de commun entre chaque personne, chaque camp, ils sont tous des humains qui aspirent à retrouver une famille aimante le soir après le travail et à ne manquer de rien. 

N’oublions jamais malgré nos divisions et divergences ce lien commun qui nous unit. 

Et trouvons, avec la même innocence qu’un enfant de 9 mois un moyen de communiquer avec le sourire à chaque personne que nous croisons. 

Bonnes vacances à ceux qui y sont et bon courage aux autres.



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